En lisant la traduction anglaise1 du De Magnete [Sur l’aimant] de William Gilbert (1544-1603), je suis tombé sur un mot intéressant : la terrella, qui signifie « petite Terre ». Gilbert explique comment créer une terrella:
Mais comme la forme sphérique, qui est aussi la plus parfaite, s’accorde le mieux avec la terre, qui est un globe, et convient le mieux à l’usage et à l’expérience, nous allons donc, pour nos principales démonstrations, utiliser une pierre de charge pour fabriquer un aimant en forme de globe, parce qu’elle est plus parfaite et mieux adaptée à l’objectif. Prenez donc une pierre de charge puissante, d’une taille correcte, uniforme, dure, sans défaut ; faites-en un globe sur l’outil de tournage utilisé pour arrondir les cristaux et quelques autres pierres, ou avec d’autres outils selon la matière et la fermeté de la pierre, car il est parfois difficile de la travailler. La pierre ainsi préparée est un véritable descendant homogène de la terre et de la même forme qu’elle : elle possède artificiellement la forme orbiculaire que la nature a accordée dès le début à la terre mère commune : c’est un corpuscule physique imprégné de nombreuses vertus, grâce auquel de nombreuses vérités abstruses et négligées de la philosophie, enfouies dans de piteuses ténèbres, peuvent plus facilement être connues des hommes. Cette pierre ronde est appelée par nous un μιχρόγη [michroge] ou Terrella.2 [pp.12-13]
De nombreuses expériences décrites par Gilbert dans son ouvrage De Magnete utilisent cette terrella :
Le mot terrella a été repris quelque trois siècles plus tard par le scientifique et ingénieur norvégien Kristian Birkeland (1867-1917), qui a étudié les aurores boréales en se rendant à Nordkapp, dans le nord de la Norvège, en plein hiver, pour y effectuer des observations détaillées et en réalisant des expériences avec une terrella dans son laboratoire. Il a finalement conclu que les aurores étaient le résultat de courants électriques reliant la Terre et le Soleil. Nous appelons aujourd’hui ces courants les courants de Birkeland. Voici Birkeland dans son laboratoire, avec sa terrella :
Qu’en est-il des petits soleils ?
Plus récemment, le projet Safire3 a entrepris une série d’expériences de simulation du soleil, afin de vérifier le modèle du soleil électrique proposé par Ralph Juergens (1924-1979). Ces expériences, qui rappellent celles de Birkeland, consistent à soumettre une anode à divers courants électriques et à effectuer des observations détaillées. Comment appeler un petit soleil ?
Dans le Französisches Etymologisches Wörterbuch, sous l’entrée sol4, nous trouvons trois possibilités : soliculus, soluculus et solellus. Ce dernier terme, solellus, un diminutif de sol, est la racine étymologique du mot français soleil. Le terme est composé de trois syllabes, comme terrella. Cela nous donne donc, en latin :
une petite Terre est une terrella, pluriel terrellae ;
un petit Soleil est un solellus, pluriel solelli.
Les versions francisées du latin seraient alors:
une petite Terre est une térrelle, pluriel térrelles ;
un petit Soleil est un solellus, pluriel solellus.
Un projet futur consistera en l’étude du De Magnete.
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Texte original (7 octobre 2023): On Little Earths and Little Suns
Traduction avec l’aide partielle de Deepl.
William Gilbert, On the Magnet, London: Chiswick Press, 1900. Translation of De Magnete, first published in 1600.
But since the spherical form, which is also the most perfect, agrees best with the earth, being a globe, and is most suitable for use and experiment, we accordingly with our principal demonstrations by the stone to be made with a globe-shaped magnet as being more perfect and adapted for the purpose. Take then, a powerful loadstone, of a just size, uniform, hard, without flaw; make of it a globe upon the turning tool used for rounding crystals and some other stones, or with other tools as the material and firmness of the stone requires, for sometimes it is difficult to be worked. The stone thus prepared is a true, homogeneous offspring of the earth and of the same shape with it: artificially possessed of the orbicular form which nature granted from the beginning to the common mother earth: and it is a physical corpuscle imbued with many virtues, by means of which many abstruse and neglected truths in philosophy buried in piteous darkness may more readily become known to men. This round stone is called by us a μιχρόγη [michroge] or Terrella.
Safire Project. https://www.safireproject.com.
Französisches Etymologisches Wörterbuch. Fondé par Walther von Wartburg. Entrée sol. https://lecteur-few.atilf.fr/lire/120/30.