Le Meilleur des mondes possibles
Le 2 avril 2023, j'ai donné une conférence pour la Rising Tide Foundation intitulée Paolo Sarpi: The Key to Modern Science [Paolo Sarpi : La clé de la science moderne]. Pour préparer cette conférence, j'ai passé du temps à lire Platon (c.427 AEC - 348 AEC) et Aristote (384 AEC - 322 AEC). En lisant le Timée de Platon, j'ai été frappé par le passage suivant:
Or, de ces quatre éléments pris un à un, la constitution du monde a absorbé la totalité. C’est en effet tout le feu, toute l’eau, tout l’air et toute la terre qu’utilisa celui qui constitua le monde pour le constituer, ne laissant hors du monde aucune parcelle, aucune propriété de quoi que ce soit. Voici quel était son dessein. Il souhaitait en premier lieu que le monde fût avant tout un vivant parfait, constitué de parties parfaites; que de plus il fût unique, dans la mesure où il ne restait rien à partir de quoi un autre vivant de même nature pût venir à l’être; et qu’enfin il fût exempt de vieillesse et de maladie, car le démiurge était bien conscient du fait que, si un corps est quelque chose de composé, la chaleur, le froid et tous les autres phénomènes qui présentent des propriétés énergétiques arrivent, lorsqu’ils l’environnent de l’extérieur et l’affectent de façon intempestive, à le dissoudre et à y introduire maladies et vieillesse qui le font dépérir. Voilà en vertu de quelle cause et en vertu de quel raisonnement le dieu a construit un ensemble qui, formé à partir de tous ces ensembles, réalise une unité, un être parfait, exempt de vieillesse et de maladie.1
Timée décrit donc comment le Constructeur a créé le monde, ou l'univers comme nous l'appelons, comme un vivant parfait, constitué de parties parfaites.
Cela m'a fait penser à ce passage de la correspondance de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) avec Samuel Clarke (1675-1729), dans laquelle Leibniz critiquait le Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica d'Isaac Newton (1643-1727):
Sir Isaac Newton et ses disciples ont également une opinion très étrange sur le travail de Dieu. Selon eux, Dieu tout-puissant doit remonter sa montre de temps en temps, sinon elle cesserait de fonctionner. Il n'a pas eu, semble-t-il, la prévoyance suffisante pour en faire un mouvement perpétuel. Non, la machine de Dieu est si imparfaite, selon ces messieurs, qu'il est obligé de la nettoyer de temps en temps par un concours extraordinaire, et même de la raccommoder, comme un horloger raccommode son ouvrage, qui doit par conséquent être un ouvrier d'autant moins habile qu'il est plus souvent obligé de raccommoder son ouvrage et de le remettre en état. Selon cette opinion, la même force et la même vigueur demeurent toujours dans le monde et ne font que passer d'une partie de la matière à une autre selon les lois de la nature et le bel ordre préétabli. Je soutiens que lorsque Dieu fait des miracles, il ne le fait pas pour répondre aux besoins de la nature, mais à ceux de la grâce. Quiconque pense autrement doit nécessairement avoir une bien piètre idée de la sagesse et de la puissance de Dieu. [pp.320-321]23
Tout à coup, « l'hypothèse fondamentale de Leibniz selon laquelle Dieu a choisi le meilleur des mondes possibles » [Leibniz, Theodicy, p.168] prend un sens clair, au-delà des simples arguments moraux que Voltaire a parodiés dans son Candide. L'univers est une « machine » à mouvement perpétuel, et puisqu'il a déjà été prouvé qu'il est impossible de construire un dispositif mécanique à mouvement perpétuel, la conclusion logique est que l'univers ne peut pas être simplement compris à travers les principes de la mécanique, et qu'il n'y aura jamais de mort thermique, comme le prédisent les théoriciens qui travaillent avec la deuxième loi de la thermodynamique.
À suivre…
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Texte original (31 juillet 2023): The Best of All Possible Worlds
Traduction avec l’aide partielle de Deepl.
Platon. Timée. Dans Platon, Œuvres complètes. Sous la direction de Luc Brisson. Paris: Flammarion, 2011. [Plat. Tim. 32c,32d,33a], pp.1992-1993.
Roger Ariew and Daniel Garber, eds. G.W. Leibniz: Philosophical Essays, Hacket Publishing Company, 1989.
Sir Isaac Newton and his followers also have a very odd opinion concerning the work of God. According to them, God Almighty needs to wind up his watch from time to time, otherwise it would cease to move. He had not, it seems, sufficient foresight to make it a perpetual motion. No, the machine of God’s making is so imperfect, according to these gentlemen, that he is obliged to clean it now and then by an extraordinary concourse, and even to mend it, as a clockmaker mends his work, who must consequently be so much the more unskillful a workman as he is more often obliged to mend his work and to set it right. According to the opinion, the same force and vigor remains always in the world and only passes from one part of matter to another agreeably to the laws of nature and the beautiful pre-established order. I hold that when God works miracles, he does not do it in order to supply the wants of nature, but those of grace. Whoever thinks otherwise must needs have a very mean notion of the wisdom and power of God.