Je viens de terminer la lecture du livre The Interconnected Cosmos1 de Donald Scott, qui est une mise à jour de son livre précédent The Electric Sky2. Dans le chapitre sur les galaxies, Scott cite l’ouvrage le plus important de Kristian Birkeland sur les aurores : The Norwegian Aurora Polaris Expeditions 1902-19033.
Selon notre point de vue, chaque étoile de l’univers serait le siège et le champ d’activité de forces électriques d’une puissance inimaginable.
Nous n’avons pas d’opinion certaine sur la manière dont sont produits les énormes courants électriques supposés avoir une tension énorme, mais cela ne correspond certainement pas aux principes que nous employons actuellement dans la technique sur la terre. On peut cependant penser qu’une connaissance future de l’électrotechnique des cieux serait d’une grande valeur pratique pour nos ingénieurs électriciens.
Il semble être une conséquence naturelle de nos points de vue de supposer que l’ensemble de l’espace est rempli d’électrons et d’ions électriques volants de toutes sortes. Nous avons supposé que chaque système stellaire, au cours de son évolution, émet des corpuscules électriques dans l’espace. Il ne semble donc pas déraisonnable de penser que la majeure partie des masses matérielles de l’univers se trouve, non pas dans les systèmes solaires ou les nébuleuses, mais dans l’espace « vide ».4
C’est ainsi que Birkeland écrivait en 1913, il y a cent dix ans, que l’Univers est plein de courants électriques et de particules chargées. Mais il ne s’agissait pas d’une simple spéculation de sa part. Ayant mené des expériences dans son laboratoire avec sa térrelle, comme je l’ai écrit dans un précédent article, À propos de petites terres et de petits soleils, ainsi que des observations dans le Nord arctique, il était l’homme le plus apte de sa génération à faire une telle déclaration. Dans la biographie Kristian Birkeland: The First Space Scientist5, Alv Egeland et William Burke écrivent :
Birkeland, qui a été le premier à examiner les relevés de perturbations enregistrés autour du globe lors d’orages magnétiques, a estimé que des courants de plusieurs millions d’ampères devaient circuler dans la haute atmosphère. Il a compris intuitivement que seul le Soleil pouvait entraîner et maintenir des courants électriques aussi importants. Par conséquent, les courants dans la haute atmosphère doivent être reliés à des générateurs dans l’espace profond par des courants alignés sur le champ magnétique. En effet, Birkeland a constaté que les courants prédits étaient reproduits dans des simulations en laboratoire. Il est parvenu à des conclusions véritablement novatrices sur la physique des aurores et des perturbations du champ magnétique terrestre.6
Les paroles de Birkeland se sont avérées prophétiques. Voici un résumé de l’univers plasmique par le lauréat du prix Nobel Hannes Alfvén7 :
Les mêmes lois fondamentales de la physique des plasmas s’appliquent aux plasmas de laboratoire et aux plasmas héliosphériques magnétosphériques, ainsi qu’aux plasmas interstellaires et intergalactiques.
Pour comprendre les phénomènes qui se produisent dans une région donnée du plasma, il est nécessaire de cartographier non seulement le champ magnétique, mais aussi le champ électrique et les courants électriques.
L’espace est rempli d’un réseau de courants qui transfèrent l’énergie et la quantité de mouvement sur de grandes, voire de très grandes distances. Les courants se ramènent souvent à des courants filamentaires ou à des courants de surface. Ces derniers sont susceptibles de donner à l’espace, comme à l’espace interstellaire et intergalactique, une structure cellulaire.8
Pourtant, si l’on regarde le courant dominant aujourd’hui, l’idée de Birkeland d’un univers rempli de courants électriques est toujours perçue comme hérétique. Nous avons à peine progressé depuis l’époque de la réception de l’Expédition norvégienne de 1899-1900 pour l’étude des aurores boréales : résultats des recherches magnétiques9, la description par Birkeland de son premier voyage polaire en 1900 :
Le livre ayant été publié en français, il n’a reçu que des critiques limitées. En particulier, les Philosophical Transactions of The Royal Society ont attaqué le livre et lui ont donné une mauvaise note. Cette critique négative se fonde sur une remarque de Lord Kelvin publiée dans les Proceedings of the Royal Society (1892). Kelvin pensait que le Soleil ne pouvait pas affecter le champ magnétique terrestre et que les corrélations apparentes entre l’activité solaire et géomagnétique étaient illusoires. Il considérait l’espace interplanétaire comme dépourvu de matière. Peu de scientifiques britanniques étaient prêts à s’opposer publiquement à la conclusion de Kelvin.10
Après la mort de Kelvin, la croisade anti-Birkeland a été reprise par le mathématicien britannique Sydney Chapman. Cette croisade s’est poursuivie même cinquante ans après la mort de Birkeland11 :
Mais Chapman a semblé sortir de ses gonds lors d’un symposium organisé en 1967 en l’honneur du 100e anniversaire de la naissance de Birkeland. Chapman, qui avait la réputation d’être le plus éminent scientifique de l’époque en matière d’aurores boréales et de géomagnétisme, avait été invité à prononcer le discours principal. Il est de coutume, en pareille occasion, de dire des choses agréables sur la personne honorée. Voici ce que Chapman a dit : « En science, il est de bon ton d’apprécier les vraies découvertes et les stimulations éclairantes des grands hommes, plutôt que de s’attarder sur leurs idées fausses. » « L’emprise apparemment inébranlable, sur l’esprit de Birkeland, de sa conception fondamentale mais invalide des faisceaux d’électrons intenses, mêlait inextricablement l’erreur à la vérité dans la présentation de ses idées et de ses expériences sur les aurores et les orages magnétiques. »12
Mais la caravane avance, et l’importance des courants de Birkeland est de plus en plus reconnue. Je reviendrai longuement sur ce sujet.
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Texte original (13 novembre 2023): Kristian Birkeland Theorized that the Universe is Electric
Traduction avec l’aide partielle de Deepl.
Donald E. Scott. The Interconnected Cosmos. Minneapolis, MN: Stickmanonstone Pub., 2021.
Donald E. Scott. The Electric Sky: A Challenge to the Myths of Modern Astronomy. Portland, OR: Mikamar Publishing, 2006.
Kr. Birkeland. The Norwegian Aurora Polaris Expeditions 1902-1903. Volume 1: On the Cause of Magnetic Storms and the Origin of Terrestrial Magnetism. Christiana: H. Aschehoug & Co., First Section: 1908. Second Section: 1913. Les deux sections sont disponibles dans un seul fichier PDF sur le serveur de documents du CERN : https://cds.cern.ch/record/1395529/files/norwegianaurorap01chririch.pdf
According to our manner of looking at the matter, every star in the universe would be the seat and field of activity of electric forces of a strength that no one could imagine.
We have no certain opinion as to how the assumed enormous electric currents with enormous tension are produced, but it is certainly not in accordance with the principles we employ in technics on the earth at the present time. One may well believe, however, that a knowledge in the future of the electrotechnics of the heavens would be of great practical value to our electrical engineers.
It seems to be a natural consequence of our points of view to assume that the whole of space is filled with electrons and flying electric ions of all kinds. We have assumed that each stellar system in evolutions throws off electric corpuscles into space. It does not seem unreasonable therefore to think that the greater part of the material masses in the universe is found, not in the solar systems or nebulæ, but in “empty” space. [Second section, p.720]
Alv Egeland and William J. Burke. Kristian Birkeland: The First Space Scientist. Springer, 2005.
As the first to examine disturbance records from around the globe during magnetic storms, Birkeland estimated that currents of several millions Amperes must flow in the upper atmosphere. He understood intuitively that only the Sun could drive and sustain such large electrical currents. Consequently, currents in the upper atmosphere must connect to generators in deep space via magnetically field-aligned currents. Indeed, Birkeland found the predicted currents replicated in laboratory simulations. He reached truly innovative conclusions about the physics of the aurora and disturbances in the Earth’s magnetic field. [p.8]
Hannes O.G. Alfvén. Cosmology in the Plasma Universe: An Introductory Exposition. IEEE Transactions on Plasma Physics 18(1):5-10, February 1990.
The same basic laws of plasma physics hold from laboratory and magnetospheric heliospheric plasmas out to interstellar and intergalactic plasmas.
In order to understand the phenomena in a certain plasma region, it is necessary to map not only the magnetic but also the electric field and the electric currents.
Space is filled with a network of currents which transfer energy and momentum over large or very large distances. The currents often pinch to filamentary or surface currents. The latter are likely to give space, as also interstellar and intergalactic space, a cellular structure.
Kristian Birkeland. Expédition Norvégienne de 1899-1900 pour l’étude des aurores boréales : résultats des recherches magnétiques. Christiana: Dybwad, 1901.
As the book was published in French, it received only limited reviews. In particular, the Philosophical Transactions of The Royal Society attacked the book and gave it a low rating. The basis of this negative review was a remark by Lord Kelvin published in the Proceedings of the Royal Society (1892). Kelvin believed that the Sun could not affect the Earth’s magnetic field and that apparent correlations between solar and geomagnetic activity were illusory. He regarded interplanetary space as devoid of matter. Few British scientists were prepared to take public issue with Kelvin’s conclusion. [Egeland and Burke, p.56]
Sidney Borowitz. The Norwegian and the Englishman. Perspective in Physics 10:287-294, 2008.
But Chapman seemed to have gone off the deep end at a symposium in 1967 held in honor of the 100th anniversary of Birkeland’s birth. Chapman, who had the reputation as the most eminent auroral and geomagnetic scientist of the age, was invited to give the lead address. It is customary on such an occasion to say pleasant things about the honoree. This is what Chapman did say: “in science it is our good custom to appreciate the true discoveries and enlightening stimulus provided by great men, rather than to dwell on their misconceptions.” “The apparently unshakable hold, on Birkeland’s mind, of his basic but invalid conception of intense electron beams, mingled error inextricably with truth in the presentation of his ideas and experiments on auroras and magnetic storms.”